2 mars 2018

ON THE BRINKS

Âgé de 14 ans, Sam Millar quitte définitivement l’enfance le 30 janvier 1972, à la manifestations de Derry où il a suivi son frère aîné, lorsque les parachutistes anglais tirent sur la foule pacifique revendiquant ses droits civiques, causant 13 morts. Ce sera son « baptême du feu dans le monde réel d’un nationaliste en Irlande du Nord ». Quelques mois plus tard, son ami Jim Kerr est froidement abattu par un commando protestant. L’année suivante, il est lui-même arrêté une nouvelle fois, condamné cette fois à trois ans de prison pour activités politiques, et se retrouve à Long Kesh.
Refusant de porter l’habit des prisonniers, il sera soumis à l’isolement, aux mauvais traitements et aux brutalités réservés aux Blanket men (ceux qui ne sont vêtus que d’une couverture).

Son récit, non dénué d’humour, très cru et bien mieux documenté qu’un rapport d’Amnesty International, ne nous épargne aucun détail. Bobby Sands n’est pas loin. Tout juste élu député à la surprise générale, il va mourir des suites de sa grève de la faim, suivi par neuf autres militants, emportés par l’intransigeance de Thatcher. L’église, pourtant catholique, n’est d’aucun soutien et fait preuve d’une constante hypocrisie. La hiérarchie de l’IRA, occupée à négocier, noyautée par des taupes, se moque finalement de la détermination et du sacrifice de ses membres.

Après huit ans d’emprisonnement, il se réfugie illégalement aux États-Unis où il fomentera le casse du siècle, un dépôt de la Brinks qu’il attaquera avec une paire de pistolets en plastique et un vieux fourgon tellement poussif qu’il sera obliger d’abandonner plusieurs millions de dollars sur le bas côté pour pouvoir repartir. Les mois de détention avant son procès lui feront découvrir une forme de torture que les Beefs ne devaient pas encore connaître : la Diesel Therapy. À peine installé dans une nouvelle cellule, il est aussitôt réveillé et transféré à plusieurs centaines de kilomètres, ainsi pendant plusieurs semaines.

La condition des catholiques du Nord est parfaitement saisie, stigmatisé, tenu pour responsables de « leur situation d’abjecte pauvreté et de chômage au fait qu’ils ne voulaient tout simplement pas travailler. Ils se reproduisaient trop vite, aussi, et ne croyaient pas au contrôle des pulsions sexuelles - et refusaient d’utiliser les méthodes conventionnelles pour les réduire ».
On comprend son immense dégoût et sa fuite, lorsqu’il découvre que son complet dévouement est piétiné par des préoccupations politiciennes.

Adepte de l’ironie et de la tragédie grecque, Sam Millar se libère du poids de ses souvenirs avec un certain talent. À la fois témoignage sur les conditions carcérales des prisonniers politiques et thriller, ce roman autobiographique prouve une nouvelle combien la réalité a souvent plus d’imagination que la fiction.




ON THE BRINKS
Sam Millar
Traduit de l’anglais (Irlande) par Patrick Raynal
370 pages – 21,50 euros
Éditions du Seuil – Paris – Mars 2013

408 pages – 7,60 euros
Éditions du Seuil – Collection "Points" Paris – Novembre 2014

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